FullMetal Pokéscience : Transmutation sous le Soleil et la Lune
: Et encore un trait ici, et puis un dernier ici et...
: Je peux savoir ce que tu fais ?
: Ah ! Mais arrêtez de me déranger, enfin ! J'ai presque fini en plus ! Une fois que ça sera fait, on aura enfin tout ce qu'il faut pour l'article de Pokéscience de ce numéro !
: En dessinant à la craie sur le sol…? Tu préférerais pas plutôt m'aider à trouver des Pommes Parfaites ?
: . . . . . . . Définitivement incurable…
Mis à part pour les deux du fond qui ont dormi depuis février dernier, aucun lecteur de cet article n'ignore que Pokémon Soleil & Lune ont enfin été annoncés cette année et que l'on sait, depuis le mois de mai, que ces nouvelles versions de l'univers Pokémon seront disponibles en novembre prochain. Il reste donc un peu moins de cinq mois à tous les amateurs de théories et autres hypothèses en tous genres pour spéculer sur le contenu des jeux à partir des divers indices qui nous ont été laissés au travers des diverses bandes-annonces, phases de jeu et informations des sites officiels.
Et puisque nous en sommes à parler de théories, il y en a une qui semble avoir envahi le web depuis la révélation des Pokémon de départ et des Pokémon légendaires phares de ces jeux : Pokémon Soleil & Lune auraient-ils quelque chose à voir avec l'alchimie ?
Il n'est pas rare que les jeux Pokémon s'inspirent de diverses mythologies, histoires ou concepts pour former ses propres légendes. Déjà la seconde génération s'inspirait largement de deux bâtiments de la ville de Kyōto (au Japon) : le Kinkaku-ji et le Ginkaku-ji, littéralement le temple du pavillon d'or et le temple du pavillon d'argent. Le premier, achevé en 1397, était recouvert d'or. Le second devait être couvert d'argent, mais la guerre qui éclata en 1467 empêcha ce projet d'être mené à bien. Tous deux sont surmontés de la statue d'un oiseau mythique, l'un en or et l'autre en argent. Le Kinkaku-ji brûla en 1950, incendié par un moine. Ces deux pavillons à plusieurs étages, d'or et d'argent, ont bien entendu inspiré la Tour Carillon et la Tour Cendrée de Rosalia, à Johto, censées accueillir Ho-Oh et Lugia : la seconde a brûlé (référence aux événements de 1950, même s'il ne s'agissait pas de la tour accueillant le légendaire d'or) et Lugia s'en est allé. Ho-Oh continue d'apparaître au sommet de la seconde tour.
On pourrait continuer longtemps comme ça encore : dans la troisième génération, Kyogre, Groudon et Rayquaza mixent problématiques environnementales à un mélange de légendes hébraïques et de mythologie précolombienne. Le trio tutélaire de la quatrième génération mettait en avant l'espace, le temps et l'antimatière. Dans la cinquième génération se côtoyaient un trio issu du taoïsme (le Ying et le Yang), un autre des kami du shinto japonais et un dernier des… trois mousquetaires d'Alexandre Dumas. Quand à la sixième génération, elle s'inspirait directement du mythe nordique de l'arbre du monde : Yggdrasil.
Il n'est donc pas dur d'imaginer qu'à son tour la septième génération ira allègrement piocher dans divers mythes, légendes et concepts préexistants. Et cette fois-ci, cela sera-t-il… l'alchimie ?
: Fini !
: Encore à faire joujou avec tes petits traits ?
: Hin hin, c'est ça, moque-toi… tu vas voir ! À présent… *joint les deux pattes* Pour nous aider à percer les secrets de l'alchimie, je te convoque par ce cercle de transmutation, ô toi grand alchimiste dont le nom a traversé les siècles !
: Ouaah ! Mais c'est quoi tous ces éclairs ! Quand est-ce que tu es devenue un Voltali!?
: Observe la forme qui apparaît ! Voici venir le plus grand alchimiste de tous les temps ! Voici venir…
« GARGL ! »
: …un nabot blond ?
: Qui c'est que tu as traité de vulgaire-moucheron-pas-plus-grand-qu'une-limace-qu'on-aurait-réduite-de-moitié-en-la-plongeant-dans-un-bain-de-sel ?!
: (mais il n'a jamais dit tout ça…)
: Et d'ailleurs je suis où là ?!
: Heu… vous êtes à la rédaction de l'Eternien, dans une espèce... d'altermonde de Pokémon, va-t-on dire ? Monsieur… Nicolas Flamel, c'est bien ça ?
: Je m'appelle pas Flamel ! Moi c'est Edward Elric !
: (Oups, je crois que je m'suis plantée…)
Mais d'abord, c'est quoi l'alchimie ?
Aujourd'hui, le mot alchimie ne nous évoque qu'un terme ésotérique, avec un brin d'exotisme, suite à toutes ces œuvres culturelles contemporaines qui se sont abreuvées de cette thématique. Mais il faut savoir que cette fameuse alchimie, aujourd'hui largement citée dans les produits de culture populaire, majoritairement fantastiques, a autrefois été considérée comme un sujet de recherche très sérieux.
Si aujourd'hui nous ne jurons plus que sur la chimie et son tableau périodique des éléments (quatre nouveaux ont d'ailleurs été rajouté à la classification de Mandeliev en janvier dernier, montant leur nombre actuel connu à 117), il faut savoir qu'en des temps plus reculés l'alchimie servait à étudier le monde. En ces temps où la classification périodique des éléments n'était pas encore établie (nous sommes alors au Ve siècle avant J.-C.), les philosophes grecs, en particulier le dénommé Empédocle, théorisaient que le monde était constitué de quatre éléments : Aer (l'air), Aqua (l'eau), Ignis (le feu) et Terra (la terre).
Les écrits des philosophes sur ce principe ne nous sont pas parvenus directement. Beaucoup furent perdus, mais les écrits du philosophe grec Aristote survécurent en étant récupérés et traduits par des savants arabes. Ceux-ci appelaient le travail sur les métaux Al Kimyâ, ce qui une fois passé par le latin au XIVe siècle, suite aux Croisades ayant duré jusqu'au XIIIe siècle, donna le terme alchemia : l'alchimie.
Les alchimistes du Moyen-Âge, quelle que soit leur nationalité, cherchaient alors à découvrir le grand œuvre, à savoir trois éléments qu'ils jugeaient fondamentaux :
- l'argyropée et la chrysopée, permettant de transformer des métaux tels le plomb ou le fer en des métaux précieux, respectivement l'argent et l'or
- la panacée, un remède permettant de guérir n'importe quelle maladie
- la vie éternelle, permettant de prolonger la vie humaine en dehors de ses limites naturelles
Les trois objectifs de l'alchimie étaient alors connus sous un seul nom que l'on connaît encore aujourd'hui : la pierre philosophale.
: C'est rouge ? Ça se mange ? C'est une Pomme Parfaite ?
: Va jouer ailleurs, toi ! Jusque là j'ai bon monsieur l'alchimiste ?
: Si je te réponds oui, tu me renvoies à Amestris ?
Le lion et le soleil
Si l'alchimie semble autant intéresser les théoriciens de Soleil & Lune, c'est d'abord à cause du Pokémon Halo Solaire, Solgaleo. Ce Pokémon est l'un des légendaires phares des nouveaux jeux. Étonnamment du type Acier/Psy (beaucoup l'imaginaient du type Feu), ce Pokémon est donc, si l'on suit la thématique de son double type, l'alliance du métal et de l'esprit. Cela fait tout à fait sens avec les théories sur l'alchimie, car les alchimistes pensaient que la matière renfermait de l'esprit… du moins jusqu'à ce que le mathématicien, physicien et philosophe français René Descartes ne le nie en bloc
Au passage, petit paragraphe HS au registre des coïncidences rigolotes qui n'en sont peut-être pas : le portrait de A.Z. au Palais Cheydeuvre dans Pokémon X & Y ressemble beaucoup au portrait le plus connu de René Descartes, d'après un portrait perdu de peintre néerlandais Frans Hals.
On doit à ce même Descartes des réflexions mathématiques sur la géométrie : d'ailleurs, son nom est utilisé pour nommer les coordonnées cartésiennes permettant de placer un point dans l'espace en suivant les axes X (l’abscisse), Y (l'ordonnée, la profondeur) et Z (la cote ou la hauteur). Les noms Descartes, Cartesio ou XYZ sont d'ailleurs les différents DO (Dresseur d'Origine) des Pokémon événements Xerneas et Yveltal chromatique, ainsi que du Zygarde distribué en ligne récemment.
À noter aussi que l'on doit à Descartes des recherches sur la réfraction de la lumière, recherches qui sont l'une des bases de l'expérience de Newton sur la dispersion d'un faisceau de lumière blanche au travers d'un prisme qui permet d'obtenir plusieurs faisceaux colorés formant un arc-en-ciel. Un arc-en-ciel… Niji en japonais… Le nom de code de Soleil & Lune… Et Isaac Newton qui a aussi étudié l'alchimie… OH MAIS TOUT EST LIÉ !
. . . . .
Ok, on arrête le délire et reprend donc le fil...
« Faudrait voir à pas oublier que c'est moi la star, nan mais alors ! »
Sur le site officiel des nouveaux jeux, celui-ci n'est pas présenté comme le Pokémon qui incarne le soleil (de même que Dialga ou Palkia incarnaient le temps et l'espace, ou Reshiram et Zekrom la réalité et l'idéal). Au contraire, Solgaleo est « celui qui dévore le soleil ».
En alchimie il existe trois substances que sont le soufre, le mercure et le sel ; nous y reviendrons peut-être une autre fois. Pour l'heure, intéressons-nous uniquement au soufre et au mercure : ce dernier est un métal argenté, sous forme liquide. Les alchimistes parlent donc d'un mercure alchimique, doté d'un esprit.
Tout à l'heure, nous avons parlé de la pierre philosophale. Pour l'obtenir, les alchimistes pensaient qu'il fallait passer par trois phases :
- L’œuvre au noir, où le soufre et le mercure perdent leur forme ancienne suite à une calcination : il se forme un résidu noir, qui représente métaphoriquement la mort ;
- L’œuvre au blanc, où cette matière noire est imbibée par de la rosée récoltée suivant certaines circonstances et qui doit contenir l'esprit vital du monde ;
- Enfin l’œuvre au rouge où la matière blanche devient pourpre, couleur de la pureté, de la résurrection… la pierre philosophale.